A la suite de notre article sur la l’atout maritime (LV 120, accessible ici), l’amiral F. Jourdier, un de nos fidèles lecteurs, nous envoie ce texte sur les îles Éparses. Nous le publions avec plaisir. JDOK
A l’occasion de sa première visite en France, le nouveau Président Malgache Andry Rajoelina a demandé la rétrocession des Iles Éparses du Canal du Mozambique à Madagascar. Pour le Président il s’agit d’une question d’identité pour retrouver la fierté nationale. Une commission mixte franco-malgache a été constituée.
Une commission pour discuter de quoi ? A l’évidence ces îles appartiennent à la France.
Les Iles Éparses sont cinq ilots de 1 à 30 km2 , un, Tromelin, à l’est de Madagascar, les autres, Les Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India qui ne découvre qu’à marée basse, dans le Canal du Mozambique.
La France les a trouvées inhabitées et en a pris possession en 1896. Depuis des tentatives d’exploitation, cocoteraie aux Glorieuses, guano à Juan de Nova, sisal à Europa ont été conduites par des Français et avant qu’elles ne soient automatisées la France entretenait une station météo sur chacune des îles.
La demande des Malgaches est basée sur le fait que pendant la colonisation, les Iles Eparses avaient été reliées administrativement à Madagascar : « Madagascar et dépendances ». Les Comores étaient aussi des « dépendances de Madagascar » jusqu’en 1946, elles sont maintenant indépendantes.
En I960 quand la France donna à Madagascar son indépendance, les Iles Éparses furent détachées et rattachées à la Réunion. Elles relèvent maintenant de l’administrateur des Terres Australes
Jamais donc les Malgaches ne furent en charge des Iles Éparses, trouvées inhabitées par la France quand elle en prit possession.
Cette revendication n’est pas récente : en 1973, époque où les relations entre les deux pays étaient tendues, le Commandant Supérieur, qui était à l’époque le Général Bigeard, dont l’Etat Major était à Tananarive, fut averti que les Malgaches préparaient un coup de force pour s’emparer de ces îles. Le général décida immédiatement d’implanter sur chacune des trois îles un détachement militaire de 13 hommes et un gendarme ; 46 ans après, régulièrement relevés, ces détachements manifestent toujours l’appartenance de ces îles à la France.
Tromelin, l’île située à l’est de Madagascar a été l’objet d’une semblable revendication mais par Maurice, un traité de cogestion était même en cours de négociation, jusqu’à ce que l’Assemblée Nationale fasse capoter le projet.
Remarquons que ces îles n’ont en soi aucun intérêt, elles sont généralement d’un accès très difficile par la mer, entourées de coraux, on y a construit des pistes qui permettent la desserte par avion. La seule source d’eau est la pluie et on est souvent obligé de les ravitailler par bateau. Elles sont de plus classées « réserves naturelles intégrales » et toute activité y est interdite. Signalons à ce sujet que les écologistes souhaitent curieusement le maintien des militaires, ceux ci assurant la protection des tortues marines qui nidifient sur les plages.
Seulement les Iles Éparses génèrent une Zone Économique Exclusive de 640 000 km2 couvrant la moitié du Canal du Mozambique, zone de pêche, et où l’espoir de trouver du pétrole est sérieux.
Les prétentions malgaches n’ont donc aucun fondement et on ne voit pas pourquoi on a créé une commission alors qu’il n’y a rien à négocier.
Selon l’article 5 de la Constitution le président de la République est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités, il lui appartient donc de maintenir la souveraineté sur ces îles, d’autant que si on cède pour les Iles Éparses, on va être amené à céder pour Clipperton revendiqué par le Mexique, les Terres Australes, et pourquoi pas pour St Pierre et Miquelon, et Wallis et Futuna si, comme on l’y pousse, la Nouvelle Calédonie accède à l’indépendance.
Contre amiral (2S) François Jourdier
Cher Olivier,
Merci pour ces envois réguliers.
Bravo pour l’article sur les îles Éparses. J’ai eu l’occasion de servir sur les Glorieuses au printemps 1983, comme jeune S/Lt Orsa, chef de détachement. Nous sommes partis 45 jours à une quarantaine d’hommes pour retaper la piste en plaques psp. Hors Beyrouth, ce fut ma plus belle expérience de commandement militaire. Je n’avais pas 24 ans et je vivais le désert des Tartares. 😉
Entièrement d’accord avec les arguments de l’amiral. Si l’affaire prend de l’ampleur, il faudra penser à monter des opérations de communication et de contre-influence. Car derrière les Malgaches se profilent des intérêts bien douteux…
Amical salut à toi et toute l’équipe de la Vigie !
On est en 2019, pas en 1895 (conquête de Madagascar « et dépendances »). Cette résistance de type patriotique, illustrée par le papier de l’amiral, est contre- productive. Il est impensable, si un avantage doit être tiré un jour de ces possessions, de ne pas en partager le fruit avec les riverains, notamment Madagascar qui a un besoin si criant de ressources. De manière plus générale, la France a tout intérêt à s’engager dans des démarches de co-exploitation ou co-développement, pour faire oublier le côté immoral, même géopolitiquement, de cet accaparement d’espaces maritimes par le simple jeu de ces anciennes possessions inhabitables.